Imprimeur-libraire nantais, l’historien Armand Guéraud naît à Vieillevigne en 1824. Sa vie est totalement consacrée aux livres et à la culture locale. Son unique ambition est « la promotion de la culture régionale et sa divulgation aux plus nombreux ».
Ses parents Laurent Guéraud et Rose Francheteau sont des survivants de la Virée de Galerne qu’ils ont vécu pendant leur enfance. Laurent a pour frère aîné, Guéraud-Boisjoly le capitaine de paroisse de Vieillevigne tué par les républicains en 1794, Rose a vu son père massacré par les insurgés vendéens en mars 1793. L’union improbable de ces deux familles blanche et bleu va donner neuf enfants élevés dans la tolérance et l’ouverture d’esprit. Laurent le père, adjoint au maire de Vieillevigne sous le Premier Empire, puis colonel de la garde nationale, s’accommode volontiers des évolutions politiques et se positionne comme libéral.
De son côté, Rose s’occupe de l’éducation religieuse. La bibliothèque familiale regorge de plus de 800 volumes. Rousseau, Voltaire, Boileau, Racine, quantités de livres en français, italien, anglais, traînent sur les rayonnages. Les enfants Guéraud se nourrissent de cette richesse culturelle et font de brillantes études. Auguste le cadet des fils, est le premier vers 1836 à se lancer comme libraire puis éditeur à Nantes. Mais, sa mort prématurée conduit l’aîné des garçons, Léon à reprendre le flambeau en 1843. L’imprimerie initiée par Auguste survivra grâce à ses deux frères, Léon et Armand.
De son côté, Armand, de santé fragile, mais d’une grande intelligence, après des études au collège royal de Nantes, obtient son baccalauréat à Rennes en 1844. Il renonce aux études pour travailler pour Léon à l’Imprimerie du passage Bouchaud. Dans un rôle de commercial, il sillonne le grand Ouest pour démarcher les notables en leur proposant des souscriptions, mais aussi pour proposer des éditions à des auteurs méconnus. En 1848, nommé bibliothécaire adjoint de la ville de Nantes, il réalise un catalogue raisonné de l’ensemble des fonds de la cité. Mais, l’édition l’intéresse plus que le classement, et en 1849, il démissionne pour s’associer avec son frère Léon. En 1850, il publie à 26 ans avec son professeur Talbot « La Petite Géographie de Loire-Inférieure ». Armand est de toutes les sociétés intellectuelles de la région, souvent comme membre-fondateur : Société Archéologique de Nantes, Association Bretonne, Société Académique de Nantes, Société des Antiquaires de l’Ouest, Revue des Provinces de l’Ouest, Bretagne et Poitou. Il fréquente les historiens et érudits locaux : Dugast-Matifeux, Chassin, Fillon, de Sourdeval, Levot, Bizeul, Braud, et même Michelet alors réfugié à Nantes. Ses compétences lui valent la fonction de correspondant de la Société Impériale des Antiquaires de France et une place à la Société des Monuments Historiques.
Outre la librairie, il gère l’imprimerie qui édite la grande majorité des revues culturelles de la région. Il rédige de nombreux articles et effectue d’importantes recherches historiques. La lourde charge de la librairie-imprimerie du passage Bouchaud lui incombe totalement à la mort de Léon Guéraud en 1853 et retentit gravement sur santé précaire. Il vient alors de débuter son recueil de chansons populaires qui sera son œuvre majeure, publiée après sa mort en 1861 sous le titre Recueil de Chants populaires du Comté Nantais et du Bas-Poitou. Pour cela, il sillonne la contrée entre Nantes et le Nord-Vendée. Resté proche de sa commune de Vieillevigne et de ses habitants qu’il visite régulièrement, il y collecte près d’une centaine de textes de chanson.Son travail lui vaudra la médaille d’or de la Société Académique de Nantes et un grand succès posthume. Mais, il s’est endetté, à délaisser son imprimerie. Il est allé au-delà de ses forces. Armand décède à Nantes en 1861 laissant à sa veuve qui l’a accompagné jusqu’au bout, de nombreuses dettes.
Armand Guéraud se définissait comme « républicain mais chrétien, sans exagération, sans utopie ». Il s’est consacré à l’écriture de la mémoire culturelle de notre région, façonné par un mélange parfaitement harmonieux entre culture nantaise et bas-poitevine, entre culture catholique et républicaine, entre culture bourgeoise et populaire.
Dominique Tétaud Article complet sur la famille Guéraud dans le Marcheton n°7 (2009)